EPSEntretiens de Francis Ponge avec Philippe Sollers, Paris, Galli-mard / Seuil, 1970. PAT Pages d’atelier, (édition de Bernard Beugnot), Paris, Galli-mard, 2005. «Le Carnet du bois de pins» renvoie au texte repris dans . La Rage de l’ex-pression. Le Carnet du bois de pins. désigne le volume séparé paru en 1947. Lorsque nous reproduisons une citation en prose dans le corps de notre Rezumat Dans l’article qui suit, nous nous proposons de mener de front deux exposés : une contextualisation des aspects théoriques concernant le texte et la lecture et une présentation de nature applicative, projetée sur le texte « La fin de l’automne » de Francis Ponge, dont l’analyse sémiotique fait l’objet dans le curriculum universitaire. Cours3e-2nde. Fiche de lecture, Francis Ponge édition folioplus classiques Noa Quaillet 1ère1 Français Le livre Le parti pris des choses a été écrit par Francis Ponge. C’est un poète majeur du XX ème siècle, qui est né le 27 mars 1899 à Montpellier, d’une famille protestante et aisée. La famille Ponge déménage souvent à Jecompte d’ailleurs me rendre à Paris vers la fin de novembre pour un séjour de plusieurs semaines, La rupture Prigent -Ponge de l’automne 1975 intervient au terme de d’un processus d’affranchissement. Elle est esthétique, Prigent prenant finalement acte qu’il ne peut « faire tenir » plus longtemps ensemble « la raison à plus haut prix » pongienne, et ce qu’il LaFin De L Automne Francis Ponge Page 1 sur 5 - Environ 46 essais Ponge 496 mots | 2 pages Francis Ponge naquit le 27 mars 1899 à Montpellier et mourut le 6 août 1988 à Bar-sur-Loup. Il passa son enfance à Avignon, il habita à Caen de 1909 à Fichepédagogique. Le parti pris des choses. de Francis Ponge. S O M M A I R E. Introduction p. 1. Fiche 1 › Le parti pris des choses: un objet. poétique d’un genre nouveau. p. 2. Fiche 2 › Les choses et les mots p. 7. Fiche 3 › La fin du lyrisme ? p. 10. Fiche pédagogique conçue et réalisée par Hélène Bernard, certifiée de lettres. modernes, professeur de français ILA4FZ. 1. Le titre du recueilTitre paradoxal - expressions inspiratrices prendre parti pour quelque chose ; prendre son parti. Ce sont des expressions qui indiquent une prise de position personnelle, une opinion, un engagement individuel, un les choses sont des éléments figés, inertes, qui n'ont pas d'âme, ne sauraient prendre parti. De plus, si le poète prend le parti des choses, il peut sembler matérialiste ce qui n'est pas le cas en fait ici.A la lecture des poèmes, le paradoxe se résout, se comprend. Voir les indications sur sa démarche Sa démarche un regard neuf porté sur les chosesSa poésie est complètement novatrice. Écrite en prose, elle prend le contrepied de la poésie romantique et n’est pas non plus une poésie d’opinion, une poésie engagée. Pour Ponge, la mission du poète ne consiste pas à étaler ses sentiments, mais à atteindre au plus juste la matérialité d’un objet, d’une chose ». Il est le poète des objets les plus banals. Pour lui, les choses ont une existence propre et deviennent objets poétiques, dès lors qu’on les observe attentivement. Les titres de ses deux premiers recueils, Le Parti pris des choses 1942 et Proêmes 1949, explicitent son projet. Dans Le Parti pris des choses, le poète révèle les richesses inaperçues des choses telles que l’huître, le cageot, le savon, le pain, etc. par une contemplation naïve et patiente. Puis, dans un langage précis et transparent, quasi scientifique, le poète transforme les choses » en paroles, il recherche des équivalents verbaux aux choses ».3. Le recueil Le meilleur parti à prendre est de considérer toute chose comme inconnue. » Francis Ponge Le recueil est constitué de 32 courts textes poétiques en prose qui peuvent être regroupés en plusieurs catégories - la faune et la flore courantes La Crevette, Le Papillon, Escargots, L’Huître, Notes pour un coquillage, le Mollusque, Faune et flore, la Mousse, Végétation ; - les minéraux Le Galet ; - les objets fabriqués par l’homme Le Cageot, La Bougie, La Cigarette ; - les comestibles Le Pain, L’Orange, Les Mûres, Le Morceau de viande ; - les phénomènes naturels Pluie, Le Cycle des saisons, Les Arbres se défont à l’intérieur d’une sphère de brouillard, La Fin de l’automne, De l’eau, Le Feu ; - les lieux familiers Le Restaurant Lemeunier rue de la Chaussée d’Antin, Les Trois Boutiques, RC Seine Numéro, Bords de mer ; - les attitudes humaines La Jeune Mère, Le Gymnaste, Pauvres pêcheurs.4. Les procédés de création poétiqueL’objet est un prétexte de création poétique, une façon de jouer avec le langage. L’objet devient un ob-jeu », comme il le dit lui-même, sans aucune trace de subjectivité l'utilisation de la 1e personne est de rigueur. Cependant, il utilise - une multiplicité d’images métaphores, comparaisons, oxymores l'huître est brillamment blanchâtre », métonymies, pour tenter de restituer aux objets une originalité ; certaines choses ne sont plus perçues qu’à travers le prisme des lieux communs ; - les personnifications qui donnent vie à l’objet le cageot est ahuri » et sympathique » ; - le jeu sur les sonorités des homéotéleutes figure consistant à répéter des finales de mots, qui fonctionnent presque comme des rimes comme noirâtre », blanchâtre », verdâtre », des allitérations et assonances en [k], avec les doigts curieux s’y coupent, s’y cassent les ongles », en [r], comme parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre » des assonance en [u], comme flue et reflue à l’odeur et à la vue » ; - les jeux sur les mots la polysémie ; - les effets de surprise, loin des stéréotypes usés. Il crée ses propres objets poétiques ; - l’humour ; - il part du mot qui désigne l’objet, propose une définition, s’intéresse à son destin », à sa relation » avec l’homme et parvient à le rendre sympathique ; - il se fait l’interprète des objets muets en ayant recours au travail sur le langage, à l’épaisseur des mots. Il transforme l’ordinaire en significatif ; - l’objet, même le plus humble, contient tout un monde pour qui est à son écoute. Ainsi, l’huître, d’apparence rugueuse, contient une perle. L’huître représente en quelque sorte une allégorie de la création poétique la rugosité du travail, la difficulté d’ouverture, la beauté de l’univers intérieur et parfois, la perle. Voici les liens vers les textes L'hiver des Alpes de saint Amant L'automne de Lamartine jusqu'à le soleil est si beau Midi de leconte de lisle et je n'ai pas trouvé le dernier, donc le voici La fin de La'utomne de Francis Ponge, 1942 Tout l'automne à la fin n'est plus qu'une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la de fermentation, de création d'alcools il faut attendre jusqu'au printemps l'effet d'une application de compresses sur une jambe de bois. Le dépouillement se fait en desordre. Toutes les portes de la salle de scrutin s'ouvrent et se ferment, claquant violemment. Au panier, au panier!La Nature déchire ses manuscrits, démolit sa bibliothèque, gaule rageusement ses derniers fruits. Puis elle se lève brusquement de sa table de travail. Sa stature aussitot parait immense. Décoiffée, elle a la tete dans la brume. Les bras ballants, elle aspire avec délices le vent glacé qui lui rafraichit les idées. Les jours sont courts, la nuit tombe vite, le comique perd ses droits. La terre dans les airs parmi les autres astres reprend son air sérieux. sa partie éclairée est plus étroite, infiltrée de vallées d'ombre. Ses chaussures comme celles d'un vagabond, s'imprègnent d'eau et font de la musique. Dans cette grenouillerie, cette amphiguité salubre, tout reprend forme, saute de pierre en pierre et change de pré. Les ruisseaux se multiplient. Voilà ce qui s'appelle un beau nettoyage, et qui ne respecte pas les conventions! Habillé comme nu, trempé jusqu'aux os. Et puis cela dure, ne sèche pas tout de suite. Trois mois de réflexion salutaire dans cet état; sans réaction vasculaire, sans peignoir ni gant de sa forte constitution y resiste. Ainsi, lorsque les petits bourgeons recommencent à poindre, savent-ils ce qu'ils font et de quoi il retourne- et s'ils se montrent avec précaution, gourds et rougeauds, c'est en connaissance de cause. Mais là commence une autre histoire, qui dépend peut etre mais n'a pas l'odeur de la règle noire qui va me servir à tirer mon trait sous celle-ci. Voilà, j'espère que vous pourrez m'aider! Merci Voici à présent des conseils pour reprendre notre cours, qui visait à éclairer les principaux enjeux et choix d’écriture de Ponge dans “La bougie”, vous réapproprier le texte, et construire une explication vivante pour le jour de l’oral. Proposition de synthèse C’est un poème en prose - le seul de notre parcours de lectures. Du moins l’appelons-nous poème, ce que Ponge n’aurait peut-être pas fait c’est un texte descriptif en prose, composé de quatre paragraphes, si l’on veut s’en tenir à une première observation minimaliste. Il donne à voir d’une façon nouvelle un objet à la fois banal et chargé d’une dimension symbolique. La bougie perd de sa banalité en devenant un végétal, ainsi qu’en étant personnifiée. Elle perd aussi sa dimension symbolique espérance, esprit, âme, présence divine rien de tout cela ici en étant ramenée et explorée dans toute sa matérialité. Enfin regardée de près, elle révèle sa ressemblance effective avec une plante, son pouvoir non d’éclairage, mais de recomposition ou de transfiguration du réel ; en somme, sa capacité à nous émerveiller. De ce point de vue, il existe chez Ponge un lyrisme discret, puisque c’est d’une émotion originale » que naît cette plante singulière » à laquelle est comparée la bougie. Enfin, c’est sans doute aussi un poème sur la création poétique, considérée comme une justice rendue aux objets les plus banals, comme une bagarre » certes vouée à un échec assumé puisque Ponge célèbre dans La promenade dans nos serres» la divine nécessité de l’imperfection », la divine présence de l’imparfait ». La bougie n’est qu’un objet éphémère, qui meurt en fondant en elle-même ; le poème lui aussi s’achève sur un retour au réel. Telle est la leçon d’humilité et d’émerveillement de la poésie selon Ponge, qui nous reconduit aux fumées originales ». Comment relire ce poème en vue de l’oral ? Une explication linéaire, à l’oral, je le rappelle, c’est une reconstitution de tout le travail de lecture fait en cours, puis prolongé chez vous ; on suit les mouvements du texte, sa progression, comme si on le découvrait au fur et à mesure, alors qu’on sait précisément quelle interprétation d’ensemble on souhaite en donner. Notre poème, ici, composé de quatre paragraphes, engage une recomposition de la réalité éclairée par la bougie, laquelle se métamorphose en plante dans les deux premiers paragraphes. Le troisième paragraphe met en scène des “papillons miteux”, probable allégorie des poètes au travail. Le dernier clôt le texte sur la fonte de la bougie dans sa propre cire. Notre lecture épousera donc ces trois mouvements, pour comprendre comment Ponge nous donne à voir la bougie, et à travers elle, le monde dans ce qu’il a de plus ordinaire, grâce à une poésie de l’objet. Pour préparer cette lecture reconstituée, voici quelques conseils. Relisez le texte que vous avez écrit dans votre carnet sur un objet. Très souvent, vous avez su vous approcher de la démarche de Ponge, que vous avez donc comprise de l’intérieur célébration d’un objet ordinaire, changement de regard pour le donner à voir autrement, retour à la simplicité de l’objet, rendu à son usage, sans emphase. Reprenez vos notes, bien entendu. Il vous faut, avec la synthèse proposée ci-dessus et ces dernières, reconstituer une interprétation globale du poème, pour que vous n’en perdiez pas le sens, au moment où vous préparerez une explication linéaire c’est-à-dire une relecture, expliquée dans le détail, qui suivra la progression du texte. Dans la mesure du possible, on proposera sur Pearltrees les notes d’un ou plusieurs élèves. Aidez-vous du guide de relecture ci-dessous. Aidez-vous des conseils, après le guide de relecture, pour composer une introduction et une conclusion efficaces. Lisez mes conseils pour la question de grammaire Pearltrees, Lettrines. Guide de relecture et de préparation à l’explication Le premier paragraphe donne à voir la bougie sous une forme nouvelle, celle d’un végétal. Vous montrerez notamment comment se déploie la métaphore filée de la plante, dans un réseau lexical qui fait surgir la nature dans un intérieur. C’est la nuit qui redonne vie à la bougie commentez le choix du verbe “raviver”. Le poète joue sur une inversion, puisque c’est ordinairement la lumière qui permet de voir dans la nuit, donc de raviver » la nuit. Cette ouverture paradoxale, avec une quasi personnification de la nuit, suggère le caractère indissociable de la lumière de la bougie et de la nuit. C’est la nuit qui confère à la bougie sa lumière singulière ». La bougie à son tour recrée le monde. Étudiez la comparaison, le choix du verbe décomposer pourquoi ce verbe ? quel jeu Ponge fait-il avec ce mot ? ne serait-ce pas pour Ponge une façon de dire que le monde que nous voyons sans le regarder est une composition à défaire et à retravailler ?. Analysez le lexique de la nature, à laquelle la chambre est comme rendue. Après avoir présenté le pouvoir de reconfiguration du monde que recèle la bougie, le poète, dans le second paragraphe, décrit de nouveau l’objet, sa force et sa fragilité. Observez la série d’oppositions de termes associés par la syntaxe, autour du contraste entre lumière et nuit, blanc et noir voir l’adverbe “très”, qui renforce “noir”, lequel s’oppose à “l’albâtre”, pierre si blanche qu’elle en est presque translucide, donc pierre très blanche. Ponge crée entre l’ombre et la lumière un rapport nouveau, enchanteur pour l’œil. Montrez comment s’élabore l’image d’un objet paradoxalement simple, précieux, fragile et solide à la fois mention du métal le plus précieux associé à la feuille au singulier, n’est-elle pas synonyme de fragilité ?. Réfléchissez de nouveau à l’emploi du terme “colonnette” comment dit-il à la fois le sacré, la simplicité, et la fragilité ? Rappelons une fois encore ce qu’est l’albâtre une pierre blanche presque translucide dont on fait des statuettes ou des vases à parfum. Prenez le temps de livrer une interprétation étayée par l’analyse de l’adjectif “impassible”, en revenant à son étymologie qui n’éprouve aucune souffrance et à son sens actuel revoyez le dictionnaire si nécessaire pour comprendre comment Ponge suggère la force et évacue toute émotion, en apparence du moins. Le troisième paragraphe voit l’entrée en scène de “papillons miteux”, insectes moqués par Ponge, possible allégorie des poètes au travail. Ayez l’intelligence d’inscrire l’évocation de ces papillons miteux dans le sillage de leurs prédécesseurs chez Baudelaire notamment pensez aux volatiles chers au poète. Comment et pourquoi Ponge joue-t-il sur l’adjectif miteux ? Revoyez vos notes sur le double sens du terme, et si nécessaire, revoyez le terme et sa famille dans le dictionnaire. Pourquoi opposer la lune et la bougie ? Comment s’opposent-elles ? Comment, enfin, interpréter ces allégories et leur opposition ? Je vous invite à être sensibles de nouveau aux marques d’ironie de la part du poète, qui emploie un niveau de langue familier contrastant avec celui utilisé jusqu’ici. La paronomase frémissent / frénésie souligne ce trait d’ironie Ponge sans doute moque l’attitude des poètes au travail. La présence d’un terme familier, “bagarre”, attire l’œil, et rappelle que la poésie de Ponge n’est pas une poésie de l’idéal - il s’agit de saisir la merveille dans l’ordinaire. La création poétique parfaite est inaccessible, telle la lune trop haute ». Elle aboutit non à la réussite mais à deux états extrêmes la frénésie ardeur enthousiaste, violence, état de forte agitation, fièvre et la stupeur état d’inertie et d’insensibilité profonde dû à un engourdissement général, paradoxalement voisines ». La phrase peut se lire de deux façons différentes en effet, le français choisit traditionnellement le singulier ici. Il faut donc expliquer le pluriel de “bords”. Soit on l’enlève les papillons frémissent au bord de la frénésie, ce qui signifierait à la limite de la frénésie ; soit on considère que les papillons sont parvenus aux bords d’un territoire particulier, qui serait celui de la réussite poétique, manière de dire qu’ils n’ont pas atteint la perfection poétique mais qu’ils en ont un aperçu. Cette analyse serait corroborée par l’emploi de vanner familier, le verbe signifie épuiser être vanné ; dans son sens premier, il désigne le procédé agricole qui consiste à secouer des grains dans un van panier en osier pour les séparer de la paille et de la poussière, à faire un tri… entre les bons et les mauvais poètes. Enfin, le dernier paragraphe clôt le poème et simultanément évoque la fin de la bougie, qui fond dans sa propre cire, consumée et consommée dans sa propre matière. Un sens nouveau peut apparaître, qu’on n’avait peut-être fait qu’entrapercevoir. Comment interpréter la présence de l’adversatif “cependant” en début de paragraphe ? Qu’annonce-t-il ? Dans le moment où fond la bougie, quel son entend-on en particulier, grâce à l’harmonie imitative orchestrée par Ponge, comme pour faire entendre ce qui ordinairement se voit ? Prenez le temps de réfléchir à l’effet produit par l’emploi du verbe s’incliner », à entendre sans doute au sens littéral et au sens, très souvent usité, qu’est le sens figuré d’autant que la bougie a été personnifiée. Que signifie ce verbe, si l’on y lit une syllepse de sens c’est-à-dire une figure de style consistant à employer en même temps le sens propre et le sens figuré d’un mot ? Quelle image de la bougie cela nous laisse-t-il ? Pourquoi peut-on tout de même déceler de l’émotion ici devant la fonte de l’objet ? Et quelle émotion ? La bougie meurt, mais le lecteur fait son apparition dans cet ultime paragraphe. Clé de lecture nouvelle pour réinterpréter le poème comme une métaphore de la création poétique. La bougie métaphorise le poème. En fait, on peut sans doute supposer la présence du lecteur – nous – depuis le début du texte. Nous sommes, par l’acte de lecture, transportés en effet dans une chambre meublée », et tout se passe comme si nous étions ceux qui lisent à la lueur d’une bougie… un poème sur la bougie attention, il ne faut pas réduire les poèmes de Ponge à cette dimension autotélique - un texte autotélique est un texte qui parle de lui-même, de la condition de sa propre production - mais on ne peut négliger cet aspect du texte. Cela vaut pour la plupart des poèmes de Ponge, et pour tous ceux du Parti pris des choses. Cette interprétation - la bougie comme métaphore du poème - renforce l’hypothèse que nous aurons pu faire sur ce que représentent ironiquement les papillons miteux. Le rôle de la bougie par rapport au lecteur reste à déchiffrer. Il repose sur une étrange expression, parce qu’incomplète. Vous noterez en effet l’absence de complément second après encourager construction normale encourager qqn à faire quelque chose. On pourrait considérer que Ponge fait simplement l’économie du verbe lire. Mais on peut aussi “tenir compte des mots” et donc lire le verbe encourager grâce à son étymologie il signifie donner du cœur. La bougie, devenue vivante, tremblante à peine, mais éclairant d’une lumière chaleureuse et mobile, redonne du cœur au lecteur les deux mots courage et cœur sont synonymes au Moyen Âge ; on en a gardé la trace dans une expression telle que mettre du cœur à l’ouvrage ». Il y aurait un écho intéressant entre le premier verbe du poème et celui-ci… Vous aurez noté par ailleurs une construction syntaxique étrange. La phrase peut être comprise comme la description de la fin de la bougie, en trois étapes du vacillement … au brusque dégagement ». Ou bien il faut l’interpréter comme si le vacillement des clartés était la conséquence du dégagement des fumées par le vacillement … qui se produit au dégagement ….» L’essentiel est peut-être de comprendre que la clarté vacille à la fin de la bougie, donc à la fin du poème c’est-à-dire que le sens vacille lorsqu’apparaît le mot lecteur », et qu’on est invité à relire le poème pour le saisir dans sa dimension autotélique, c’est-à-dire comme une allégorie du poème et de la création poétique. Pourquoi l’adjectif “originales” après fumées ? Je propose quatre interprétations possibles et non exclusives les unes des autres le brusque dégagement » des fumées inviterait le lecteur à retourner au début du poème, à son origine, pour le lire désormais plus clairement ; mais “originales” pourrait aussi être entendu au sens de singulières comme la bougie végétalisée ; enfin, si elles sont originales, ces fumées, c’est peut-être parce qu’une fois encore Ponge aspire à dé-symboliser » l’objet bougie il ne s’agit plus ici des fumées de l’encens des églises, qui manifestent la présence de l’Esprit Saint, mais des fumées premières, propres à la bougie. Ponge écrit dans Proêmes C’est à un homme simple que nous tendrons. … / À sortir des brumes et des fumées religieuses et métaphysiques – des désespoirs… » Le jeu d’échos finaux entre ces trois noms incite à les rapprocher, à les extraire de la phrase ils dessinent alors une progression qui est celle de l’interprétation du lecteur. Le sens vacille, puis se dégage et enfin fournit un aliment, une nourriture nouvelle au lecteur. Nous consommons le poème. Et si on allait plus loin ? La bougie serait une métaphore du poème ; le poème serait un objet équivalent à la bougie. Tout le texte peut être relu à l’aune de cette métaphore proche de l’allégorie. Les massifs d’ombre » pourraient être les paragraphes ; c’est la nuit », autrement dit l’encre noire, qui raviverait le texte, qui le ferait exister sur la page. La page elle-même serait colonnette d’albâtre », au creux de laquelle se trouve le texte, pédoncule très noir ». Frémissement, frénésie » et stupeur » évoquent les mots, immobiles, impassibles » sur la page, mais mis en mouvement par le vacillement des clartés », par l’œil du lecteur et par le travail de l’interprétation, qui déploie les significations de chacun et de l’ensemble qu’ils forment. L’assiette blanche et l’aliment blanc, puisque c’est la cire rappellent encore que le poème s’écrit et s’achève sur une page blanche, et qu’il est, pour son créateur comme pour son lecteur, toujours à recommencer. Pour une introduction intéressante quelques rappels et compléments Francis Ponge 1899-1988, Résistant à partir de 1940, publie Le parti pris des choses en 1942, Proêmes en 1948, La Rage de l’expression en 1952. Deux ambitions poétiques essentielles et liées Le parti pris des choses » ; être une sorte de nouveau Lucrèce en composant, à la manière du poète latin, une cosmogonie une explication et un récit de création du monde. Lucrèce, poète latin du 1er siècle av. écrivain matérialiste, disciple d’Épicure, a écrit De natura rerum De la nature des choses / De la nature de la réalité, grand poème didactique en six chants, véritable encyclopédie sur le monde tel que les matérialistes le percevaient. Ponge écrit dans son Introduction au galet Proêmes si ridiculement prétentieux qu’il puisse paraître, voilà quel est à peu près mon dessein ce ne sont pas des poèmes que je veux composer, mais une seule cosmogonie ». Il entend arracher la poésie à l’introspection et au lyrisme, ou plutôt œuvrer à un lyrisme nouveau, qui procède de l’étonnement devant les choses. Seconde ambition Le parti pris des mots » ; une telle encyclopédie est impossible à réaliser, Ponge le sait. Il entend en réalité opposer la contemplation à l’évasion, rendre justice aux choses, usées par le regard des hommes, et pour cela rendre hommage aux mots, qui sont finalement des choses comme les autres, à ceci près que leur matière est la langue. Il s’agit de partir d’une émotion, pour voir les choses et les mots d’un œil neuf, et donner à lire les mots dans leur matérialité graphique et phonique, en rompant avec leur emploi utilitaire et définitionnel. Réanimer les mots, et grâce à eux, les choses, doit permettre aussi de remettre l’homme en mouvement cf. La promenade dans nos serres ». Telle est la vocation de sa poésie. La forme du poème ne se calque pas sur l’objet, comme le font les calligrammes d’Apollinaire, mais en est un équivalent verbal. Ces deux ambitions, Ponge les lie dans l’équation suivante Parti pris des choses égale compte tenu des mots. » Méthodes, “My creative method”, 1947. Le parti pris des choses comprend des poèmes aussi variés que L’huître », Le pain », ou encore La bougie » mélange d’objets naturels » et culturels ». La bougie », septième poème du recueil, est située entre Le cageot » et La cigarette » deux autres objets‑combustibles. Présentation succincte du poème dans ce poème en prose, Ponge invite à voir d’un œil neuf la bougie, objet à la fois banal et symbolique la flamme peut représenter l’esprit ou l’espoir ou la présence du divin, mais Ponge refuse précisément que les objets représentent autre chose qu’eux-mêmes. Il la compare à une plante, et ce faisant lui donne vie et mort à l’issue d’un combat qui la voit triompher d’étranges papillons miteux ».

la fin de l automne francis ponge